lundi 17 octobre 2022

Écrire la révolution tunisienne.

 Les écrits sur la révolution tunisienne du 14 janvier 2011 sont nombreux mais l’Ecriture de la révolution n’a pas encore eu lieu, parce que cette dernière n’a pas été inscrite dans un cadre théorique global explicatif. Quelles sont les conditions et les exigences de cette écriture ? 

      Il s’agit tout d’abord de révéler la révolution dans sa singularité, son déroulement et son archéologie interne. Mais cela n’est pas suffisant. L’écriture étant bel et bien une in-scription, cela suppose que la révolution tunisienne soit inscrite conceptuellement et historiquement dans l’analyse d’ensemble du phénomène révolutionnaire. Nous nous déplaçons ici vers l’histoire et l’archéologie externe des révolutions, seules à même de nous configurer le concept, c’est-à-dire de dégager ses critères, ses composants et ses variations. L’accord sur le concept est seul capable de délimiter ce qu’on pourrait appeler la science des révolutions. Cette science fournira des éclairages nécessaires à la compréhension de la révolution tunisienne et cette dernière, dans sa singularité, enrichira la science des révolutions. 

Les difficultés du concept de révolution. 

 

Une révolution n’est pas un événement singulier, mais un phénomène complexe à travers ses acteurs et ses victimes, ses espaces, sa temporalité, ses enjeux, ses effets sur le social et le politique[1]. 

Concept, expériences, causalité, finalité, symboles, mémoire : une révolution engage tout cela à la fois. En ce sens, Enzo Traverso écrit : « Profondément liés les uns aux autres, les concepts, les expériences, les symboles et la mémoire forment les multiples pôles d’un seul et même champ magnétique révolutionnaire. Les révolutions fournissent au concept une dimension concrète. Leur traduction dans la réalité les transforme en symboles et créent des paradigmes politiques qui deviennent finalement des lieux de mémoire »[2]. 

     Le problème, classique en sciences sociales, c’est que les « concepteurs » ne peuvent se mettre d’accord sur la définition d’un concept. Chacun deux, à côté de sa situation d’utilisateur de concepts anciens, recherche pour lui-même le statut valorisant de concepteur, renouvelant les approches et les perspectives et inventant de nouveaux concepts. Leur liberté conditionne aussi bien leurs « vérités » que leurs erreurs : choix d’observation, de lecture, d’interprétation, d’outils, enfin choix d’appellation. Le concept de révolution n’échappe pas à cette règle. Si sa genèse se trouve strictement liée aux révolutions modernes, son histoire et son évolution imposent son élasticité, son expatriation, sa rétroaction, sa mythification. Le concept de révolution déborde donc sa genèse et toutes définition, par voie de conséquences, ne peut être que provisoire.

       Pour la Révolution tunisienne, la description pure et simple des faits, sur la base de preuves certaines, ne peut être discutée. Le rapport sur les faits, sur fond de preuves authentiques, constitue lui-même une source authentique. Le 17 décembre a eu lieu un suicide à sidi Bouzid. Le 13 janvier Ben Ali a quitté le territoire. Il y eut tant de manifestations, tant de morts, tant de blessés. Sur ces questions, lorsque les preuves sont probantes, le fait est établi. Mais aucun spécialiste, aucune science, ne peut s’arrêter là. La science des faits politiques et sociaux n’est pas un simple reportage et c’est d’ailleurs en cela qu’elle peut prétendre au titre de science. Mais, au-delà du reportage, nous entrons dans l’interprétation. S’agit-il d’une révolution ? Quelle est sa nature ? Quelle est sa portée ? Quelles sont ses causes ? Quels sont exactement les étapes de son déroulement ? Le 17 décembre ou le 13 janvier ? Les deux à la fois, comme dans le préambule de la Constitution de 2014 ? En fin de compte, écrire la révolution implique forcément l’acte d’interprétation. Or, l’acte d’interprétation est conditionné. Comme le rappelle François Furet : « Il n’y a pas d’interprétation historique innocente et l’histoire qui s’écrit est encore dans l’histoire, de l’histoire »[3]. Dans les multiples interprétations d’une révolution, parfois d’ailleurs contradictoires, chacun a raison sur une facette de vérité et l’erreur est de croire qu’elle est toute la vérité. Écrire la révolution ne peut ignorer cette prudence méthodique. L’écriture d’une révolution, pour reprendre l’expression de Nietzsche, est la « confession de son auteur ».

 

   Les phénomènes sociaux et historiques qu’on décrit par le concept de « révolution » n’échappent pas à une autre difficulté des sciences sociales, celle d’être d’avance positivement ou négativement connotés, sur le plan du jugement de valeur. Démocratie, république, tolérance, paix, liberté, révolution, jeunesse se donnent à voir, de nos jours, comme des concepts attractifs, politiquement parlant, mais également philosophiquement et moralement. Alors que tyrannie, populisme, dictature, violence, xénophobie, guerre, colonialisme, racisme, constituent des concepts négatifs. On est publiquement ou secrètement pour ou contre. Quelle que soit la prudence du chercheur, il ne pourra échapper à ce résultat parce que, contrairement aux concepts des sciences exactes ou des savoirs technologiques, sa matière lui échappe et échappe également au cercle de ses confrères de métier. Elle fait partie du domaine public des sciences citoyennes auquel le chercheur appartient forcément. Les sciences sociales sont des sciences de la cité et, nolens volens, ne peuvent échapper à cette captation politique, ce qui les conduit sur le terrain des connotations valorisantes, romantiques, laudatives, victimisantes, méprisantes, qui circulent dans la presse, les médias, les films, les romans historiques, les illustrés et bandes dessinées. 

    À cause de son imbrication inévitable à la fois dans le champ   scientifique et dans celui de l’opinion, le concept de révolution ne peut pas être vu ou compris avec indifférence ou neutralité philosophique, politique ou morale, si tant est que cela soit dans l’ordre du possible. Chaque auteur, chaque chercheur, mais également, ce qui est important, chaque lecteur va vibrer dans un sens ou un autre, pour la révolution sur laquelle il cherche à s’informer. Le concept de révolution est un concept émotionnel. Comme nous l’indiquerons par la suite, la révolution a tantôt été niée, tantôt elle a été encensée, tantôt elle a été dénigrée, souvent sur le fondement de préjugés, de pré-notions, d’intérêts ou d’ignorance populacière contaminant l’élite.

 

 Une « révolution pour tous ».

 

Mais ce qui est le plus important à noter, c’est qu’elle est paradoxalement devenue « une révolution pour tous ». Les partis politiques ou les mouvements politiques se situant aux extrémités du spectre idéologique, les démocrates libéraux, les communistes, les nationalistes, les islamistes et même les technocrates ou suppôts de de la dictature se sont réclamés de la révolution pour en faire finalement leur apanage. 

   À qui appartient la révolution ? Quelles sont ses révolutionnaires ? La réponse est qu’il s’agit d’une « révolution pour tous ». En effet, les révolutions arabes d’une manière générale et la tunisienne spécifiquement correspondent à des situations politiques circonstancielles particulières, sans contexte philosophique ou doctrinal, sans « Lumières », sans épaisseur intellectuelle à proprement parler. (A nuancer). Leur contexte est essentiellement factuel, réactif. Elles se sont en quelque sorte réalisées « en marchant ». Cela est vrai des révolutions comme des contre révolutions, gravitant toutes deux autour d’enjeux de pouvoirs, de gains de situation, de conquête ou de défense d’intérêts politiques, sociaux ou économiques. Cela explique que ces révolutions aient pu être revendiquées et assumées après coup par des forces politiques aux idéologies contradictoires. Cela explique également que révolution et contre révolution marchent ensemble et s’expriment simultanément, par des acteurs se présentant tous comme « révolutionnaires », comme nous l’avons constaté au cours du débat sur l’article 6 de la Constitution tunisienne de 2014. Cela explique enfin que les acteurs arrivés au pouvoir au cours du processus postrévolutionnaire, par coup de force ou légalement, se proclament « révolutionnaires » ou rectificateurs du processus révolutionnaire, indépendamment du contenu de leurs idéologies politiques, qui peut fort bien être contre révolutionnaire.

    Malgré cette caractéristique fondamentalement ambigüe, il reste cependant vrai que, objectivement, appelons cela « ruse de l’histoire » ou « ruse de la raison »[4], « masque de la raison », ou tromperies jupitériennes, ces révolutions exécutaient un projet démocratique, dans la mesure où leurs objectifs principaux consistaient à abattre un système dictatorial, reconnaître pour l’individu des droits et libertés nouvelles et assurer au profit du peuple une volonté autonome signant ainsi la naissance de la société civile.  

 

De l’historiographie à l’idéologie.

 

L’histoire du concept de révolution est une véritable aventure. Conçu à l’origine pour servir à l’analyse après coup des révolutions, ce concept constitue l’un des axes centraux de l’historiographie révolutionnaire, ou, en d’autres termes, de l’acte de « penser les révolutions ». C’est cette science rétrospective qui livrent les enseignements nécessaires et les informations sur lesquelles se fondent les philosophes, les philosophes de l’histoire ou du droit, pour édifier leur propre champ scientifique autour du thème révolutionnaire. Chaque révolution particulière, ainsi que le phénomène révolutionnaire dans son ensemble, ont leurs grands historiens. C’est à partir de ces historiographies nationales et générales des révolutions que se constitue par conséquent la « science des révolutions ». Les chercheurs travaillant sur la révolution tunisienne doivent édifier son historiographie spécifique. La première ambition de notre projet consiste précisément à construire   cette historiographie de la révolution tunisienne. Cette historiographie implique des regards croisés sur l’environnement historique, sociologique, culturel, linguistique, théologique susceptible de donner la visibilité la plus claire de l’événement tunisien. 

      Au XIXe siècle et sous l’influence déterminante du marxisme, une nouvelle pensée sur les révolutions s’est constituée. Tout en faisant partie et en se nourrissant pleinement de l’historiographie révolutionnaire, cette pensée va quitter le terrain de la science analytique rétrospective, pour se focaliser sur le plaidoyer programmatique, appelant les peuples à « faire la révolution », c’est-à-dire à planifier une action politique d’envergure, en vue de renverser l’ordre social existant et d’assurer ainsi une meilleure égalité des conditions, une plus grande justice sociale[5]. Mais ce constat peut être généralisée. En dehors du champ marxiste, toute révolution est susceptible de devenir un projet d’action pour l’avenir. La révolution tunisienne, avec les rebondissements auxquels nous assistons actuellement, a pris elle-même un caractère programmatique. Refaire la révolution, rectifier le processus révolutionnaire, revenir au point inaugural de l’événement révolutionnaire va marquer l’avenir de notre pays. Le coup d’état du 25 juillet 2021 prétend rectifier le processus révolutionnaire. Il faut s’interroger sur cette perspective. La révolution tunisienne n’est plus simplement l’objet de l’historiographie, elle devient un programme d’action politique avec ses éclipses, ses retours et ses rebondissements. En devenant programmatique la révolution devient donc idéologique. (A démontrer).

 

La révolution tunisienne dans le cadre du débat théorique 

 

 Les théories des révolutions se partagent globalement en deux tendances. La plus récente adopte un point de vue englobant à côté des révolutions sociales majeurs des révolutions plus « restreintes ». La deuxième procède de l’interprétation des idées d’un certain nombre d’auteurs comme Martin Malia, Theda Skocpol ou Harold Berman. Dans cette perspective, une révolution implique un changement des structures politiques et sociales d’une société ainsi que ses modes de pensée. La toile de fond sur laquelle repose ce point de vue est celle des grandes révolutions européennes modernes. Martin Malia a développé ce point de vue en affirmant : « Ce que nous appelons révolution est un phénomène historique, propre à l'Europe et, au cours du siècle dernier, propre à la zone d'influence européenne »[6].

      Si effectivement les découvreurs et théoriciens du concept de révolution sont européens, le concept a été transbordé sur le plan de l’espace et du temps. Jack A. Goldstone dans Révolutions. A very short introduction, tenant compte de l’enrichissement historique du concept a le mérite d’élargir le cercle des expériences révolutionnaires dans le monde[7]. James de Fronzo procède de la même manière dans Revolutions and revolutionary movements[8]. Il en est de même de Mathilde Larrère et de l’équipe de chercheurs ayant contribué à Révolutions. Quand les peuples font l’histoire[9] ou, plus récemment, de Enzo Traverso, auteur de Révolution, une histoire culturelle[10] ou Saïd Amir Arjomand, avec Revolution: Structure and Meaning in World History[11].

   À défaut de la nier totalement, l’idée de révolution en Tunisie, a été restreinte dans sa portée et sa signification, soit en tant que simple révolution-effondrement d’un régime dictatorial, soit en tant que « réfolution », mélangeant la continuité du réformisme et la discontinuité révolutionnaire, soit en tant que révolution bourgeoise similaire aux révolutions européennes de 1848, soit encore en tant que transition normalisée. La révolution a donné lieu à des changements institutionnels sans changement substantiel socio-économique. C’est ce que certains auteurs, reprenant un schéma Gramscien et l’appliquant aux deux exemples tunisien (Baccar Ghérib)[12] et égyptien (Brecht De Smet)[13] ont appelé une « révolution passive ». Il s’agirait donc d’une révolution de façade, tout au plus d’une « semi révolution » qui n’atteint pas les profondeurs d’une véritable révolution sociale.  On a pensé qu’elle n’est, comme en Syrie ou au Yémen, qu’un retour à la case départ de la pré-révolution ou des naufrages[14]

   D’autres auteurs comme Gilbert Achcar[15] ou Marc Lynch[16] estiment en revanche que les révolutions arabes constituent des changements majeurs qui, malgré la violence et le chaos dans lequel elles se sont enlisées, annoncent des bouleversements structurels futurs. 

Michael Albertus et Victor Menaldo [17] estiment que les pays ayant vécu une transition démocratique, à l’instar de la Tunisie, ne font rien de plus que réaliser de nouveaux arrangements entre élites, en vue de maintenir les privilèges de l’ancien régime politique[18]. Pour Asef Bayat, les expériences de la Tunisie, de l’Égypte et du Yémen, « révolution sans révolutionnaires », ne sont ni des révolutions, ni de simples réformes, mais un mélange des deux[19]Certains auteurs ont pensé que « l'ère des révolutions », pour reprendre le titre d’Eric Hobsbawm, avait pris fin, que le train des grandes révolutions est passée et que les événements arabes de 2011 ne peuvent par conséquent être qualifiés de révolution. La panoplie des évaluations est donc très large(A fouiller).

   En réalité, tout dépend de notre point de départ, c'est-à-dire de la définition d'une révolution. Si nous nous alignons, par exemple, sur les thèses de Martin Malia, précédemment examiné, ou encore sur les trois critères retenus par Theda Skocpol (States and Social Revolutions: A Comparative Analysis of France, Russia and China, 1979) pour définir une révolution sociale ( en fait, « The classical great revolutions in the west ») [20], la révolution tunisienne ne répondrait à ces critères [21]. Et en effet, la véritable question qui se pose consiste à savoir si un renversement du pouvoir qui n'est pas suivi de transformations profondes, politiques mais aussi entre autres économiques et sociales, est vraiment une révolution, simplement parce qu'il y a eu des manifestations de rue entraînant la chute de dirigeants par exemple.  

        

       En examinant ces thèses, en rapport avec la révolution tunisienne, Michel Camau ne leur a pas fait grâce. Pour Camau, il s’agit d’une révolution qui s’échelonne dans le temps, aussi bien d’ailleurs avant l’événement proprement dit de 2011[22], qu’après lui. Il n’hésite pas à la qualifier de « révolution sociale ». « La continuation de la révolution de la dignité se poursuit dans un foisonnement d’initiatives et de pratiques qui autorisent le recours à la qualification de ‘révolution sociale’ »[23]. Elle est sociale dans la mesure où « elle change le monde de la vie sans prétendre prendre le pouvoir »[24]. Prenant le contre-pied des théories sur la « fin des révolutions », soutenue par John Dunn et son idée de « l’arc historique 1789-1989 »[25], Michel Camau estime que la révolution de la dignité est une révolution en cours qui « perdurera au rythme d’avancées et de reculs dans les soubresauts de la crise d’hégémonie »[26]. La permanence des crises de légalité et de légitimité jusqu’au coup d’État du 25 juillet 2021, semble donner raison à Michel Camau. Nous perdurons, en effet, dans les soubresauts de la crise d’hégémonie. (A discuter).

      Toute la question est de ne pas se laisser enfermer dans une définition rigide de la révolution tirée des récits sur les grandes révolutions de l’arc 1989-1949. « Le concept de révolution n’est pas une unité universelle de mesure, pour un phénomène unique.  Il faut admettre que, dans ce domaine, s'il existe un tant soit peu une théorie des révolutions, construite sur le fondement de caractères communs, il n’existe ni unité de mesure, ni concept historique unique, encore moins des situations empiriques modèles de révolutions. Chaque révolution est une expérience unique. Les révolutions, malgré l’unité de leurs messages, se caractérisent par leur extrême diversité, de déroulement, de ressources, de moyens, d’engagement et de durée[27].

 

Causalité.

 

La question de la causalité qui consiste à évaluer le rapport plus ou moins nécessaire, plus ou moins contingent entre les faits, constitue le défi permanent de toute science historique, notamment celle des révolutions, et de toute philosophie politique ou science politique, par voie de conséquence[28]. C’est à ce niveau que nous quittons le stade des faits pour atteindre celui de la pensée, dans la subjectivité de ses rapporteurs, ses acteurs, ses spectateurs, ses lecteurs et ses théoriciens. Une révolution, c'est à la fois un processus narratif sur « la chose », l’acte de sa perception, de sa qualification et la recherche de sa causalité, à quoi on pourrait ajouter son évaluation finale. Appelons le tout une phénoménologie des révolutions. La révolution tunisienne de 2011 doit être replacée dans cette phénoménologie des révolutions (A voir). 

      Une autre question fondamentale taraude les historiens, les sociologues et tous les analystes du fait révolutionnaire. Quel est le principe qui anime le déroulement des évènements et des faits historiques ? Comment les faits s’agencent-t-ils dans une période révolutionnaire ? En tout état de cause, ce que nous savons, c’est que les faits historiques sont l’effet d’une cause quelconque. Autrement dit, en histoire le cas fortuit n’existe pas et le pur hasard n’est pas envisageable. Mais s’il existe des causes, obéissent-elles au déterminisme ou à l’indétermination de l’histoire ? Les causes peuvent entraîner des effets prévisibles. Il y a donc un enchaînement entre les faits et des liaisons nécessaires. Ibn Khaldoun ou Montesquieu considèrent que les faits historiques dérivent d’une loi de nécessité. Le premier pense qu’il existe un rapport nécessaire entre le type de production économique (économie de subsistance : bédouinité, nomadisme ; ruralité ; citadinité) et le type de civilisation. De même, il considère que l’évolution de l’État depuis son émergence jusqu’à sa chute obéit à des étapes soumises à une loi de nécessité. Montesquieu quant à lui écrit dans l’Esprit des lois : « Je n’ai pas tiré mes principes de mes préjugés mais de la nature des choses ». Or la nature des choses a des lois, qui sont « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». Mais, notre problème, c’est que ces lois nécessaires ne sont pas d’une nécessité absolue, sinon l’histoire n’existerait pas. Leur écran est brouillé par des ondes indéfinies. L’histoire est également le règne des contingences, de l’inattendu, des incidents, des circonstances « particulières » qui troublent le mouvement prévisible des faits. Nous avons par conséquent un enchaînement, une interdépendance des faits, qui demeure cependant relativement aléatoire. La révolution tunisienne en est un cas typique, son incident de Varenne, c’est l’affaire de l’avion présidentiel. Une incidente qui fut d’un poids déterminant. Contingence, nécessité, hasard, « ruse de la raison » ? (A scruter).

 

La question de la violence révolutionnaire.

 

     Dans le sillage de cette question, une interrogation : une révolution serait-elle le résultat d’une sorte de mécanique de la violence dépassant la volonté et l’intention des concurrents en les condamnant à vivre dans le cercle vicieux d’une violence furieuse et sans limites entre révolution, contre-révolution et antirévolution ? La violence, apparemment absence d’éthique, est-elle une nécessité de toute révolution ? La violence, est-elle une nécessité de toute révolution ? Peut-on affirmer, avec Arno J. Mayer, que les révolutions sont des furies dévastatrices et qu’il ne peut y avoir de révolution sans violence, terreur, iconoclasme ou guerres ?[29] Pour Mayer, cette violence déborde les acteurs et les idéologies et, par le jeu inévitable d’une réaction en chaîne, s’inscrit au contraire dans le « cercle vicieux de la vengeance »[30] qui ramène inévitablement l’ensemble des protagonistes à un état de nature de type hobbesien : la guerre de tous contre tous. C’est précisément, ne l’oublions pas, cette mécanique de la violence cyclonique que veut éliminer l’idée de révolution non-violente, en rétablissant le rôle de la volonté dans le contrôle des processus de révolutions. 

   Hannah Arendt affirmait qu’une révolution est “un moment violent d’expression de la souveraineté populaire” [31] et que la guerre et la révolution trouvent leur point de convergence dans la violence. Elle écrit à ce propos: “Yet, however needful it may be to distinguish in theory and practice between war and revolution despite their close interrelatedness, we must not fail to note that the mere fact that revolutions and wars are not even conceivable outside the domain of violence is enough to set them both apart from all other political phenomena. It would be difficult to deny that one of the reasons why wars have turned so easily into revolutions and why revolutions have shown this ominous inclination to unleash wars is that violence is a kind of common denominator for both”[32]. Les violences et les contre-violences constituent en effet le champ privilégié du phénomène révolutionnaire. Ne serait-ce que parce qu’elles constituent un renversement de l’ordre établi une révolution est, peu ou prou, une forme de violence, en particulier quand elle entre dans le cycle infernal décrit par Mayer : effondrement de la souveraineté, peur, vengeance, terreur, révolution/contre-révolution/anti-révolution, la contre-révolution étant la seconde moitié de la révolution[33]. La violence est donc la situation la plus courante des révolutions.

     Cependant, avec la multiplication et la diversification des expériences révolutionnaires, l’idée de la violence révolutionnaire doit être revue. Les révolutions non-violentes existent et font en particulier ressortir le rôle clé des idéaux et aspirations, non seulement en amont des révolutions, mais, cette fois-ci, dans leur déroulement proprement dit, ce qui infirme l’idée que l’éthique et les droits sont abandonnés et enterrés au cours des révolutions. Les révolutions légales et les révolutions pacifiques, détruisent tout d’abord l’idée que la violence est la seule voie révolutionnaire possible, mais surtout que l’éthique se trouve hors du champ révolutionnaire. La non-violence en elle-même est une éthique et à Frantz Fanon qui pensait à juste titre que le colonisé ne pouvait se libérer que par la violence, Gandhi avait déjà répondu et prouvé le contraire. L’expérience tunisienne apporte une réponse négative à cette question(A examiner en profondeur).

 

Qualification et critères. Hypothèses à partir de la révolution tunisienne.

 

Une révolution peut se définir elle-même à travers ses acteurs. Ce fut le cas de la révolution française de 1789, de la révolution russe de 1917, des révolutions de Catalogne, de Valence ou d’Aragon en 1936, de la Tunisie en 2010-2011 ou du Soudan en 2018–2019. Mais dans d’autres nombreux cas, ce sont les historiens qui décident. Nous voyons alors qu’ils peuvent diverger, non seulement pour qualifier le fait de « révolution », mais également pour le situer dans le temps. La révolution anglaise a été différemment comprise par les historiens. Certains, comme Harold Berman, la considèrent comme un événement continu qui part des années 1640 pour finir en 1689 ; d’autres (Tilly) distinguent entre la première révolution, celle de 1640-1660, et la deuxième révolution, celle de 1687-1689. Sa qualification de « révolution moderne » a également été décidée par les historiens comme Martin Malia[34] ou Steve Pincus[35]. Ce n’est donc pas véritablement l’histoire des faits qui décide mais les historiens, à travers leurs réflexions.  L’historiographie est à la fois un récit et une polémique, c’est-à-dire des « constructions intellectuelles élaborées par les historiens pour un usage polémique »[36], pour reprendre la formule de Julien Louvrier. L’expérience tunisienne m’a conduit au résultat suivant(A vérifier).

 

La révolution tunisienne a été :

a) une protestation publique massive. Sans revenir au détail de cet élément, rappelons qu’une protestation peut se manifester de plusieurs manières : elle peut être pacifique ou violente, dirigée explicitement ou implicitement contre le régime en place, mais, dans tous les cas de figure, ce qui la caractérise, c’est sa visibilité et l’utilisation de l’espace public, la ville, « la rue », ou le village.

b) La victoire de cette protestation, ce qui veut dire la chute d’un régime politique avec ses hommes, ses symboles et sa constitution. Entre la protestation et la victoire, peut s’interposer un temps plus ou moins long de révoltes et de soulèvements. Le 14 janvier 2011 marque la chute du régime et donc le triomphe de la révolution. Elle ouvre la première période de transition.

c) Une révolution, dans le cas où elle n’est pas suivie de la constitution d’un gouvernement révolutionnaire, doit être au moins assumée et reconnue par le nouveau pouvoir, même s’il comprend des responsables de l’ancien régime déchu par la révolution. C’est le cas des gouvernements provisoires en Tunisie, notamment celui consacré par le décret-loi n°14 de 2 3 mars 2011 et la loi constituante 2011-6 du 6 décembre 2011 visant à « concrétiser les principes de la glorieuse révolution et réaliser ses objectifs ».

d) Enfin, une révolution est un message, un appel, en fait un rappel de presque les mêmes principes universels de dignité, de justice et de liberté. Cette quatrième condition révèle la portée incontestablement éthique de toute révolution, comme l’a montré Fathi Triki à propos de la révolution tunisienne en l’inscrivant, comme « évènement fondateur », dans l’éthique démocratique d’un « vivre ensemble dans la dignité »[37].   

 

L’échec des révolutions et de la révolution ?

 

Les révolutions aboutissent rarement à des réalisations immédiates. Derrière les révolutions, il y a un échec plus ou moins patent. Une révolution se caractérise par ce qu’elle laisse pour les générations futures, ce qu’elle lègue en mémoire, plutôt que par ses réalisations immédiates. C’est ici que l’éthique surgit avec le plus d’éclat. Pour en être convaincu, revoyons, sur le long temps, l’empreinte morale, sentimentale, psychologique, de la Révolution française en France et dans le monde. Revoyons l’écho de la commune de Paris, si courte, un peu plus de deux mois à peine, si violente, si fragile et si cruellement vaincue, sur la pensée de Marx et Engels eux-mêmes, mais également dans la Russie révolutionnaire, chez les républicains espagnols et même en Chine. La force d’une révolution se situe par conséquent sur le plan de la pensée, celui de la mémoire et des idéaux, plutôt que sur le terrain des réussites réelles. 

    La révolution tunisienne semble sombrer, sous nos yeux, dans la crise économique et financière, le blocage des institutions, l’éclatement de l’État, le désespoir d’une majorité de la population, la montée du démotisme populiste, le retour des destouriens et de la contre-révolution, la nostalgie de la dictature. Puis nous eûmes droit à notre 18 brumaire, le 25 juillet 2021, mais sans l’ombre d’une intelligence bonapartiste. Par conséquent, pour comprendre une révolution, il faut voir au-delà de son avènement et de ses suites immédiates. Le plus important dans une révolution est la force de l’idée et de sa trajectoire, à partir de sa rampe de lancement. La vigueur d’une révolution, c’est sa propagation, son onde de choc. Une révolution est un constant rappel de mémoire, son seul apport véritable, durable. Les rappels de la révolution tunisienne sont constants. (A préciser). Mais nul ne pourra se prononcer sur leur durabilité. 

    Après avoir vécu pendant dix ans une expérience démocratique difficile, elle a fini par faire l’expérience d’un « coup d’État au nom de la Constitution ». Cela peut paraître paradoxal. Mais la réalité s’impose : le Président de la République utilisant un article de la Constitution (art.80) a suspendu cette dernière, puis instauré un régime de concentration totale des pouvoirs entre ses mains en vue de « redresser le processus révolutionnaire » trahi, d’après lui, par l’exercice d’un régime représentatif et parlementaire, considéré comme la cause des crises politiques sociales et économiques graves qu’a connues le pays. L’expérience inaugurée le 25 juillet et confirmée par le décret du 22 septembre 2021 et la déclaration présidentielle du 13 décembre 2021[38] puis le détricotage systématique de L’État, constitue, en réalité, une illustration parfaite du populisme qui, actuellement, soumet le régime démocratique à rude épreuve. Le président tunisien joue sur plusieurs claviers pour justifier l’autocratie gouvernante :

-le plus important est la lassitude des Tunisiens face à l’incurie et à la corruption de la classe politique, des partis politiques, et en particulier d’Ennahdha et du régime constitutionnel pratiqués depuis la révolution de 2011 ; 

- l’appel constant et le retour au peuple, mais un peuple indéfinissable, sauf à dire que c’est celui de ses partisans qui s’adonnent par l’intermédiaire de Facebookers professionnels à une propagande de soutien au président et à son programme et à un lynchage médiatique de tous ceux qui osent s’opposer aux inconstitutionnalités flagrantes dont il est l’auteur et qui dénoncent un « coup d’État contre la constitution » ; 

-l’utilisation d’un discours à caractère religieux et votif, dans lequel il se proclame seul responsable « devant Dieu, devant l’histoire et devant le peuple » ; 

-le recours à un raisonnement binaire et clivant qui consiste à préférer la légitimité à la légalité pour pouvoir piétiner la constitution et à opposer l’élite occidentalisée et repue, au peuple authentique vivant sa précarité et réclamant justice ;

-la dénonciation sans preuve et sans nomination de personnes indirectement, mais aisément repérables pour les livrer en pâture à la masse inconditionnelle de ses partisans ; l’assignation à résidence, l’arrestation ou l’organisation de procès illusoires pour écarter ceux qui veulent barrer la route à une dictature potentielle.  

- La mise en application de l’état d’exception doublée de l’exercice des pleins pouvoirs nous ramène comme l’affirme Giorgo Agamben à un État originel pléromatique, édifié sur la plenitudo protestatis, vide de droit[39]. Son danger, c’est que pensé pour faire face provisoirement à un péril imminent, il installe la matrice d’une gestation dictatoriale encore plus périlleuse. Que d’états d’exception dans l’histoire du droit, promis pour être provisoires, sont devenus des états de normalité, s’étirant longuement sur le temps, abolissant l’État de droit au profit de l’état dictatorial de nécessité. Ce fut le cas de l’utilisation devenue quasiment usuelle de l’article 48 de la Constitution de Weimar qui permit à Hitler après l’incendie du Reichstag d’adopter des lois de pleins pouvoirs en 1933. 

L’État d’exception en Tunisie a été décrété le 25 juillet 2021. Après un mois d’exercice de l’article 80, il était du droit des députés de saisir la Cour constitutionnelle pour décider s’il fallait arrêter ou prolonger l’état d’exception. L’assemblée étant gelée, puis dissoute (30 mars 2022)[40], la Cour constitutionnelle n’ayant pas été désignée, de prolongation en prolongation (22 septembre 2021, 13 décembre 2021), l’état d’exception s’est étalé dans le temps pour entrer dans cette zone extrêmement dangereuse de normalité, préfigurant la dictature réelle. Il est prorogé même après la Constitution adopté par le referendum du 2 5 juillet 2022. Le droit est vidé de sa substance, par une violence qui ne dit pas son nom, et, suprême imposture, en prétendant agir au nom de la morale rectificatrice, du droit et de la constitution, cette situation se trouve finalement consacrée par une constitution esclave d’un individu. (A creuser).


Les éléments explicatifs de l’échec des révolutions démocratiques


Plusieurs explications de cet échec démocratique peuvent être avancées : la difficulté de séparer les questions religieuses et les questions politiques ; l’absence de culture démocratique ; les clivages ethniques, tribaux ou régionalistes; l’absence d’expérience démocratique et le jeu de la contre-révolution. Toutes ces questions doivent être fouillée dans l’écriture de la révolution tunisienne. Je m’arrêterai ici sur le seul problème de la contre-révolution.  

 Le « redressement du processus révolutionnaire », taçhîh al-massar al-thawrî, entamé le 25 Juillet 2021 en a trompé plus d’un. En apparence, l’opération a pris la forme d’une contestation légitime de la démocratie parlementaire, en vue de forcer les islamistes à quitter le pouvoir qu’ils avaient accaparé depuis 2011. Mais, plus profondément, il s’agit d’une contre-révolution populiste, identitaire, autoritaire et traditionnaliste, comme le montre le projet de Constitution néo-islamiste du « professeur » Saied, soumis au référendum, en fait le plébiscite, du 25 juillet 2022 largement manipulé. La Tunisie des années 2021-2O22 est devenue le laboratoire mondial du populisme contre-révolutionnaire. (A discuter et approfondir).

      Cependant, il faut revenir à notre observation de départ. Tout d’abord, la contre-révolution est condamnée à l’échec. Entraînant à la fois, par l’effet de la sidération et de la répression, l’apathie du corps social et l’inefficacité des partis politiques, sans projet performant, elles   se limitent à des « actions brouillonnes » sans lendemain[41]. Par ailleurs, les demandes démocratiques rebondissent constamment. Par conséquent, la demande démocratique est une tendance lourde [42]. (A  vérifier).



[1] Jack Goldstone, Revolution is the forcible overthrow of a government through mass mobilisation (wether military or civilian or both) in the name of social justice, to create new political institutions”, Colloque organisé par le collège de France, le 20 janvier 2022 dans le cadre de mon cours sur : « Les révolutions dans la pensée et dans l’histoire des faits » Consultable sur le site https://www.college-de-france.fr/site/yadh-ben-achour/symposium-2022-01-20-15h00.htm

[2] Enzo Traverso, Révolution, une histoire culturelle, Traduction de l’anglais par Damien Tissot, La découverte, 2022, p.224.

[3] François Furet, Penser la Révolution française, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, Paris, nouvelle éd. 1983. p.13.

[4] Dans la conception théiste de Hegel (et dans les éditions postérieures à l’édition originelle de 1817), le paragraphe 209 affirme :« La raison est aussi rusée que puissante. La ruse consiste en général dans l'activité médiatisante qui, en laissant les objets, conformément à leur nature propre, agir les uns sur les autres, et s'user au contact les uns des autres, sans s'immiscer immédiatement dans ce processus, ne fait pourtant qu'accomplir son but. On peut dire dans ce sens que la Providence divine, vis-à-vis du monde et de son processus, se comporte comme la ruse absolue. Dieu laisse faire les hommes avec leurs passions et leurs intérêts particuliers, et ce qui se produit par là, c'est la réalisation de ses intentions, qui sont quelque chose d'autre que ce pour quoi s'employaient tout d'abord ceux dont il se sert en la circonstance ». Cette version est loin de correspondre à ce qui est dit dans l’édition de 1817.

 

[5] Le marxisme a été à la fois une science des révolutions et une idéologie. Certaines œuvres de Marx comme Le Capital (1867), Les luttes de classes en France (1850), Le 18 brumaire de Louis Napoléon Bonaparte (1852), Misère de la philosophie (1847) constituent des dossiers fondamentaux de la science des révolutions. En revanche, des ouvrages ou opuscules comme Le Manifeste communiste de 1848, La critique du programme de Gotha de 1875, La lettre de Marx à Willhem Bracke du 5 mai 1875, La lettre d’Engels à Bebel, du 28 mars 1875, L’État et la révolution de Lénine, sont des travaux d’idéologie marxiste.  

[6] Martin Malia, Histoire des révolutions, traduit de l'anglais par Laurent Bury, éd. Tallandier, collection Points, 2008, p. 13.

[7] Jack A. Goldstone, Révolutions. A very short introduction, Oxford University Press, 2014, Chap. 10.

[8] James De Fronzo, , fifth edition, Roudledge, Taylor et Francis Ltd, 2021.

[9]Mathilde Larrère (coord.), Félix Charteux, Maud Chirio, Vincent Lemire, Eugénia Palieraki, Révolutions, Quand les peuples font l'histoire, Belin, Paris, 2017.

[10] Enzo Traverso, Révolution, une histoire culturelle,  Traduction de l’anglais par Damien Tissot,  La découverte, 2022.

[11] Saïd Amir Arjomand, Revolution: Structure and Meaning in World History, University of Chicago Press, 2019.

[12] Baccar Ghérib, Penser la transition avec Gramsci, Tunisie (2011–2014), édition Nirvana, Tunis, 2017.

[13] Brecht De Smet, Gramsci on Tahrir, Revolution and couter-revolution in Egypt, Pluto Press, Londres, 2016.

[14] Pierre Piccinin Da Prata, Tunisie, Du triomphe au naufrage, Entretiens avec le président Moncef Marzouki, L’Harmattan, Paris, 2012.

[15] Gilbert Achcar, Le peuple veut. Une exploration radicale du soulèvement arabe, Sindbad Actes sud, Paris, 2013.

[16] Marc Lynch, The Arab UprisingThe Unfinished Revolutions of the New Middle East, Public Affairs, A Member   of      the   Perseus  Books  Group, New-York, 2012, p.10.

[17] Michael Albertus et Victor Menaldo, Authoritarianism and the elite origins of democracy, Cambridge  University Press, 2018.

[18] Michael Albertus et Victor Menaldo, Authoritarianism …, op.cit., p.20.

[19] Asef Bayat, Revolution without Revolutionaries. Making Sense of the Arab Spring, Stanford University Press, 

Stanford, 2017, p.17.

[20] Jeff Godwin and Theda Skocpol, « Explaining Revolutions in the Contemporary Third World », Article in Politics and Society, December 1989. https://www.researchgate.net/publication/274998253_Explaining_Revolutions_in_the_Contemporary_Third_World/link/56002f5908aeafc8ac8c4ef4/download

[21] Il s’agit 1. De la transformation profonde des structures étatiques et de classes 2. Du rôle joué par le peuple dans le cycle des révoltes de classe.3. De la simultanéité et du renforcement mutuel des transformations des structures sociales et politiques. « Social revolutions are rapid, basic transformations of a society’s state and class structures ; and they are carried through by class-based revolts from bellow ». Theda SkocpolStates and Social Revolutions: A Comparative Analysis of France, Russia and China, Cambridge University Press, 1979, p. 4.

[22] Michel Camau, « Une révolution sans révolution ? Une révolution peut en cacher une autre », Revue Tunisienne de sciences politiques, numéro cinq, premier semestre, 2021, p.53.

[23] Michel Camau, « Une révolution sans révolution. ?.. », loc.cit., p.59.

[24] Ibid.

[25] Michel Camau, « Une révolution sans révolution ?... », loc. cit., , p. 25.

[26] Michel Camau, « Une révolution sans révolution ? », loc.cit., p. 62.

[27] Yadh Ben Achour, « Le peuple veut » Démocratie et révolution en pays d’islam », entretien avec Thierry Fabre, Esprit, n° 459, novembre 2019, p.111.

[28] Pour prendre un exemple, les politicologues se sont interrogés sur la relation entre le développement économique, la démocratie et la dictature. Certains, appartenant en particulier à l’école foisonnante de Seymour Martin Lipset, (comme Huntington ou O’Donnell), ont examiné le phénomène dans une perspective plus ou moins déterministe mettant en rapport le niveau de développement économique et de transformation sociale et l’émergence du régime démocratique ou de la dictature. D’autres (comme Adam Przeworski ou Fernando Limongi), l’envisagent dans l’optique de l’action plus ou moins intensément lié à la volonté et non sur l'angle des conditions socio-économique qui perdent ainsi leur pertinence. Adam Przeworski and Fernando Limongi, “ Modernisation : Theories and facts ”, World Politics, Vol. 49, n° 2, jan. 1997, p.155-183.

[29] Arno J. Mayer, Les Furies,1789, 1917 : violences, vengeances, terreur aux temps de la révolution française et de la révolution russe. Trad. Odile Demange, Fayard, Paris, 2002, p. 16-17.

[30] Ibid, p. 149.

[31] Mathilde Larrère, Félix Chartreux, Maud Chirio, Vincent Lemire, Eugénia Palierakie, Révolutions, quand les peuples font l’histoire, éd. Belin, Paris, 2013, p.7.

[32]Hannah Arendt, On Revolution, Penguin Books, Reéd. 1990, p. 18.

[33] Arno J. Mayer, Les Furies,…op. cit. ,p.18,p.48.

[34] Martin Malia, Histoire des révolutions, traduit de l'anglais par Laurent Bury, éd. Tallandier, collection Points,  2008, p. 180.  Edition originale, History’s Locomotives. Revolutions and the making of the Modern World, Yale University Press, 2006.

[35] Steve Pincus, 1688, The first Modern Revolution, Yale University Press, New Haven, 2009.

[36] Julien Louvrier, « Penser la controverse : la réception du livre de François Furet et Denis Richet, La Révolution française », Annales historiques de la Révolution française [En ligne], 351 | janvier-mars 2008, mis en ligne le 01 mars 2011, §8. Consulté le 21 avril 2015. URL : http://ahrf.revues.org/11382 

[37] Fathi Triki, Éthique de la dignité. Révolution et vivre-ensemblepréface de Vincent Cespedes, éd. Arabesques, Tunis, 2018, pp.26, 35, 38, 45.

[38]  Dans laquelle, il affirme : « Si le peuple ne peut plus exercer sa souveraineté car le texte [la Constitution] ne le lui permet plus, il faut élaborer un nouveau texte. Les Constitutions ne sont pas éternelles ».

[39] Giorgio Agamben, Etat d’exception, Homo Sacer, Trad. Joël Gayraud, Seuil, L’Ordre philosophique, Paris, 2003, p.16.

[40] Réponse de Saied à l’annulation des mesures exceptionnelle adoptée par l’Assemblée le 30 mars. Curieuse situation dans laquelle l’auteur d’un coup d’Etat se plaint d’un coup d’État.  

[41] Hicham Alaoui, « Le triomphe fragile des contre-révolutions arabes », Le monde diplomatique, septembre 2022, p. 14 et 15.

[42] Yadh Ben Achour, L’islam et la démocratie. Une révolution intérieure, Gallimard, coll. Le Débat, Paris, 2020.