Le tawâfuq
est devenu la voie royale des mécanismes de prise de décisions dans les
périodes transitoires. L’expérience politique et constitutionnelle récente de
la Tunisie confirme ce point de vue, puisque le principe du tawâfuq
a été admis pour l’élaboration de la
Constitution, comme mode préalable d’accord, avant de procéder aux votations.
Le tawâfuq
constitue une figure du compromis. Il s'agit du compromis par consensus qui
consiste soit à renoncer à des procédures majoritaires formelles de prise de
décision, au profit d’une procédure informelle par tacite acceptation, soit à
faciliter le recours au vote majoritaire formel, par suite de l'établissement
préalable du consensus sur les questions de fond.
La racine wafaqa,
en langue arabe, nous livre un spectre de sens qui réfèrent tous à l’idée de la
concordance de choses, apparemment différentes, à une même norme d’évaluation,
c’est-à-dire à leur unité profonde par rapport à cette norme.
Cette unité première constitue leur
« soudure », iltihâm. Ibn mandhur écrit : « al
muwâfaqa baïna shaï’aïni kal iltihâm ». « Entre deux
choses la muwâfaqa est comme une soudure ». Dans le Coran, il est dit
que Dieu peut unir les cœurs divorcés, et maintenir le sage ou reconduire
l’égaré sur le droit chemin de la
rectitude morale : c’est le tawfîq divin, le retour à la
rectitude après les déviances. Dans le tawâfuq, il existe donc un
avant, celui de la fracture et de la dispersion et un après, celui de la
réunification et de la réconcialiaition.
Tawâfuq et tafâruq. Ijmâ’.
Ce spectre de sens se
trouve en opposition avec celui qui dérive de faraqa, qui désigne
la séparation et l’éclatement. Le wifâq est l’exact opposé du firâq,
comme le tawâfuq est l’opposé du tafâruq, la
muwâfaqa celui du mufâraqa, le tawfiq celui
du tafrîq. Le tawâfuq est donc une soudure, après
une rupture, la concorde, après la discorde.
Le tawâfuq,
qu’il ne faut pas confondre avec l’Ijmâ’, a pris dans notre période
actuelle transitoire postrévolutionnaire une dimension considérable. Il est
devenu le signe de la prise de décision par consensus actif, en préférence, opposition ou à défaut de vote majoritaire. Contrairement à l’ijmâ’ qui
constitue un mode passif de consensus, par tacite acceptation d'une décision
majoritaire déjà existante, le tawâfuq englobe tout le processus
de décision. Autrement dit, il implique tout d'abord la présence d'une
multiplicité d'acteurs engagés dans le processus de décision, ensuite le constat de divergences profondes
de points de vue entre ces acteurs sur une question donnée, puis la
reconnaissance que les procédures formelles de vote sont susceptibles de créer
des difficultés majeures ou des blocages dans le processus de prise de décision,
ensuite la mise sur pied par ces mêmes acteurs d'un forum de discussions, de
polémiques et de négociations, enfin l'aboutissement d'un accord préalable à la
décision, par renonciation à leurs
projets initiaux, de la part de tous les acteurs, de certains acteurs ou d’un
seul acteur.
C'est
cet accord qui permettra, par la suite, de passer aux procédures formelles de
votation majoritaire.
I.
Le tawâfuq, face aux risques du vote
majoritaire.
Après la Révolution tunisienne, le tawâfuq est
apparu dans le texte instituant et règlementant la Haute instance de la
révolution[1].
L’article 4 du décret-loi n° 6, relatif à la Haute instance,
dispose : « L’Instance prend ses décisions par consensus, tawâfuq,
et à défaut par vote à la majorité … ». Déjà, en février 2011, après la chute
du mur de la dictature, et l'éclosion quasiment incontrôlé de la liberté de pensée,
d'action et d'expression , les acteurs politiques étaient bien conscients des
difficultés et des risques du vote majoritaire, dans une société ignorant
encore la discipline démocratique. Cette règle a servi à certains partis pour
contester le recours au vote, au sein de la Haute instance de la révolution.
Elle a également été exploitée pour justifier le retrait définitif du parti Nahdha
de l’Instance face au recours systématique au vote majoritaire.
Le tawâfuq, garantie du vote majoritaire.
Par la suite, le tawafuq
est devenu un véritable mécanisme constitutionnel de compromis pour l’adoption
de la Constitution. En effet, le vote, indépendamment du fait qu’il est
aléatoire, en l’absence de majorité absolue, est susceptible, en période
transitoire, d’aggraver les tensions et
de bloquer le processus d’adoption de la Constitution. Le vote, en effet,
consacre et rend bien visibles les divisions et les discordes entre majorité et
minorités. Il n’est pas de nature à favoriser l’apaisement et la concorde. Il
doit donc être évité dans cette période caractérisée par les turbulences
sociales et politiques.
Cette contrainte est
devenue impérative, par suite de l’obligation pour le Constituant, d’après la
« Petite Constitution » du 16 décembre 2011, d’adopter la
Constitution à la majorité des 2/3 des membres de l’Assemblée nationale
constituante, ce qui n’est possible qu’avec un consensus très large. A défaut
de cette majorité, le projet de
Constitution serait soumis au referendum,
ce qui constitue un saut dans l’inconnu. Le consensus devient ainsi une
nécessité pour garantir le vote, en particulier lorsqu’il s’agit d’un vote à la
majorité qualifiée et surtout que nous sommes en face de divergences sur les
valeurs et non pas seulement sur les moyens. L’émergence de partis
« religieux » sur la scène politique, après la révolution, a
considérablement accentué ces conflits de valeurs.
Ce simple constat explique
que le parti majoritaire ait été obligé de renoncer à un certains nombre de ses projets initiaux ayant
soulevé une vague intense de protestations,
y compris au sein même de la Troïka gouvernante. Il en est ainsi au
sujet de la proposition tendant à instaurer la charia comme source du droit
dans la Constitution tunisienne ainsi que des dispositions contenues dans
l’avant-projet de Constitution diffusé en août 2012 et qui a fait l'objet d'une
critique sévère de la part de l'Association tunisienne de droit constitutionnel
au cours d'un colloque organisé sur cet avant-projet de constitution le 22 août
2012.
Ces dispositions adoptées par les commissions
constitutionnelles de l'Assemblée nationale constituante, largement dominées
par le parti Nahdha, concernent en particulier la question de l'égalité
entre hommes et femmes, remplacée dans l’avant-projet de constitution par l'idée de « complémentarité », mais surtout la
question de « l'atteinte au sacré » que le parti majoritaire a voulu à la fois
et parallèlement inscrire dans deux articles du projet de constitution et dans
un projet de loi tendant à modifier l'article 165 du Code pénal, en vue de
sanctionner d'une peine pouvant aller jusqu'à quatre années d'emprisonnement «l'atteinte
au sacré ». Ce double quadrillage constitutionnel et législatif pouvait
conduire à l'instauration d'une véritable tyrannie théocratique. Face aux
protestations de tous les milieux démocratiques, l'Assemblée constituante s'est
vue contrainte de revoir l’avant-projet, pour mieux l'adapter aux valeurs
démocratiques qui sont celles de la Révolution. Et, c'est au nom de l'exigence
fondamentale du consensus, tawâfuq, que cette remise en ordre a lieu
actuellement.
Pourquoi
le tawâfuq pèse plus lourdement sur
le ou les partis au pouvoir.
Il est important de noter
que, dans les circonstances particulières que traverse actuellement la Tunisie,
la recherche du consensus pèse bien plus lourdement sur les partis au pouvoir,
notamment le véritable détenteur de la majorité, que sur ceux de l'opposition.
Ce phénomène est tout à
fait naturel. En effet, dans une période transitoire d'édification d'une
constitution véritablement démocratique, un parti au pouvoir, c'est-à-dire, en
réalité, un parti « constituant », et qui entend au surplus le rester par la
suite, dans la période post- constitutionnelle, n'a aucun intérêt à perpétrer,
encourager ou susciter la déstabilisation, les dissidences ou les conflits. Ces
facteurs pourraient considérablement ralentir, au détriment du parti
majoritaire, le processus même d'élaboration de la Constitution.
Par conséquent, si les
situations de troubles perdurent, ce parti aurait beaucoup plus à perdre que les partis se
trouvant dans l'opposition. Une situation de turbulences qui s’installe dans le
temps peut lui coûter une partie de sa popularité et, par conséquent, de son
électorat, ce qui pourrait aboutir à lui
faire perdre les élections futures.
Par ailleurs, sa
responsabilité en tant que détenteur du pouvoir de l'État et des
administrations publiques est objectivement plus engagée que celles des autres
partis dans les réussites comme dans les échecs. Tout cela le conduit forcément
à rechercher, autant que faire se peut, l'appui des autres partis par la voie de leur
apaisement en vue d'arracher leur adhésion. Il ne peut donc le faire qu'en
rétablissant à chaque fois le consensus, tawâfuq,
c'est-à-dire, en fait, à renoncer à ses revendications ou ses programmes
initiaux. Nous en avons eu, en sus des exemples donnés précédemment, une
illustration significative dans le processus d'élaboration du régime
constitutionnel qui a vu le parti Nahdha renoncer à la fois à son projet
initial d'instaurer un régime parlementaire intégral et à son refus d'un
Président de la République élu au suffrage universel. Il s’agit là non point
seulement d'un signe louable de sagesse politique, mais également d'une
contrainte objective liée à l'état des forces politiques aussi bien à
l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Assemblée nationale constituante. Par
conséquent, ces concessions successives du parti majoritaire ne doivent pas
être analysées comme des « reculades », mais comme des contraintes politiques
objectives dictées par les circonstances particulières de la transition
démocratique.
II.
Le tawâfuq , face aux risques du gouvernement
majoritaire.
Avec l'expérience de l'Assemblée nationale
constituante, et la constitution d'un gouvernement majoritaire, celui de la Troïka,
le tawâfuq est devenu un instrument entre les mains des partis d'opposition pour
contester une idée, pourtant tout à fait démocratique, selon laquelle les
décisions sont prises à la majorité. La « Petite constitution » consacre en effet le principe majoritaire sous ses deux
formes de la majorité simple ou de la majorité qualifiée.
Le principe majoritaire au service du gouvernement.
Les
partis de la Troïka, victorieux aux élections du 23 octobre 2011, se sont souvent targués d'être les
représentants du peuple souverain par la voie de la représentation majoritaire.
Par déficit de modestie, d’intelligence politique ou par maladresse, ils ont
exploité ce principe, pour conforter leur prestige, exprimer leur volonté
d'être les maîtres du lieu ou narguer les partis de l'opposition. Dans leur
esprit, le principe majoritaire, a pris naturellement deux significations fondamentales.
La
première est qu'il constitue une procédure juridique de prise de décision
permettant au gouvernement majoritaire de prendre des mesures conformes à la
volonté populaire et de les mettre en application. Cela mettait le processus
d'élaboration des différents articles de la Constitution entre les mains de la
majorité gouvernante, le verrou des deux tiers pour le vote final demeurant
évidemment la garantie ultime pour les partis de l'opposition. Il faut ajouter
que l'Assemblée nationale constituante s'étant, contre toute attente, arrogé le pouvoir législatif, dans la loi
constitutionnelle du 16 décembre 2011, cela donnait également au gouvernement
majoritaire la même faculté, en matière législative.
La
deuxième, qui va bien au-delà, c'est qu'il constitue un principe même de
légitimité, celui de la légitimité démocratique se manifestant par la majorité électorale.
C'est au nom de ce principe majoritaire électoral que, d'une manière tout à
fait maladroite, certains chefs de partis majoritaires, comme le parti Nahdha, ont entamé une campagne de dérision ou parfois
même de dénigrement, vis-à-vis des partis minoritaires, en particulier les
nombreux partis « zéro,virgule… »
« sifr fâsil… ».
Ce type de slogans à été interprété, aussi naturellement, par les partis d'opposition,
comme signe d'exclusion. Pour une partie de l'opinion publique, cela finira par
entacher le parti majoritaire d'une légitime suspicion. À partir de là, le
principe majoritaire est devenu l'objet d'une certaine contestation, précisément
au nom du principe consensuel.
La contestation du principe majoritaire. Le retour du tawâfuq.
Plusieurs
raisons ont été avancées pour justifier cette contestation du principe
majoritaire au nom du consensus. La première consiste à rappeler, le chef de Nidaa Tounes ne s’en est pas privé, que la victoire
électorale des partis de la Troïka, en particulier celui de Nahdha, n’est
pas aussi reluisante que veulent bien le claironner les
« majoritaires ». Le nombre des électeurs inscrits étant de 8739644, celui des votants étant de 4306367, le taux
de participation est donc de 49,2%[2].
Autrement dit, 51% des électeurs n’ont donc pas voté. Etant donné que Nahdha a obtenu 1 498 905 voix, cela représente un peu moins de 18% du corps électoral (34%
des suffrages exprimés). Avec ce calcul, la majorité n’en est plus une
et cela plaide pour un mode consensuel, tawâfuqî, de
gouvernement.
La deuxième raison, admise par le parti
majoritaire lui-même, c'est que la constitution devait être celle de tous les tunisiens
et non point d’une partie des tunisiens, encore moins d'un parti de tunisiens.
La majesté du texte plaidait par conséquent en faveur du tawâfuq et au détriment de la
majorité électorale.
La troisième raison, plus politicienne, a été mise en
exergue et largement exploitée par le parti Nidaa tounes, en particulier par son chef, Béji Caïd
Essebssi, avant même l’annonce de la constitution du parti, le 16 juin 2012 au
Palais des Congrès. L’idée a été avancée dès la Déclaration du 26 janvier 2012[3].
L'argumentation est la
suivante : le décret de convocation du corps électoral du 3 août 2011 (et avant
lui celui du 20 mai 2011, promulgué avant le report de la date des élections)
ayant limité le mandat de l'Assemblée nationale constituante à une année, la
« Déclaration sur le processus de transition » du 15 septembre 2011 ayant
fait de même, cela avait pour conséquence de mettre fin à la légitimité de
l'Assemblée nationale constituante le 23 octobre 2012. Il en résulte que «
juridiquement et politiquement, le mandat de l'Assemblée nationale constituante
et celui des autorités qui en sont issues arrivent à terme le 22 octobre
2012... Proroger les mandats au-delà de cette date ferait de l’ANC, de la
présidence et du gouvernement provisoire des autorités de fait dont la
légitimité aurait expiré »[4].
Cette thèse, malgré sa contestabilité,
sur le plan juridique[5],
a cependant soulevé des remous, au sein de l'opinion publique. Certains ont
attendu le 23 octobre 2012, comme ils auraient attendu le jour du Jugement dernier.
Le 23 octobre serait donc pour la Tunisie le jour du néant, puisque la fin de la légitimité de
l'Assemblée nationale constituante signifiait, ni plus ni moins, la disparition
de l'État lui-même, En effet, dans le sillage de l'Assemblée nationale constituante,
le Président de la république, le chef du gouvernement et le gouvernement
perdaient toute légitimité. Nous aurions donc été devant une situation de vide
total, ce que toute la Tunisie a réussi à éviter depuis le 14 janvier 2011.
Radios, presse écrite, chaînes de télévisions ont contribué à mettre l'opinion
publique en état de tension et d’angoisse.
La Troïka a compris la
thèse de Nidaa Tounes comme une remise en cause totale de la légitimité de l'Assemblée
nationale constituante, ce qui n'a fait qu'augmenter son agressivité vis-à-vis
de ce parti, déjà accusé de mille maux, notamment d'être devenu le repaire des
anciens RCDistes[6] et de vouloir créer dans
le pays une situation sans issue. « Au
début d’octobre 2012, Rachid al Ghanouchi a affirmé à ce
propos : « Nidaa Tounes est plus dangereux que les
salafistes. Il est plus facile de lutter contre le phénomène salafiste que
contre Nidaa Tounes. Le salafisme est en dehors de l’Etat alors que ce
parti est bien ancré dans les structures de l’Etat. Il dispose des réseaux du
RCD, implantés dans tout le pays »[7]. Cela a conduit dans un premier temps la Troïka, puis seulement la Nahdha et le CPR à boycotter l'initiative du
« dialogue national », entrepris par l’UGTT le 16 octobre 2012, après avoir agité la menace
d’exclure les RCDistes des prochaines élections[8].
Les propos du président de Nahdha ont provoqué cette
réponse cinglante du Secrétaire général de Nidaa tounes : « Le
chef du mouvement Ennahdha a considéré dans un premier temps les salafistes un
réel danger pour la Tunisie. Il a même voulu serrer la vis contre les
salafistes. Aujourd’hui, il a déformé ses propos pour annoncer que Nidaa
Tounes est plus dangereux que les salafistes djihadistes. J’ai deux
questions à poser : qui est le plus dangereux, celui qui brûle des ambassades
ou Nidaa Tounes ? Qui est le plus dangereux, celui qui envoie ses
milices pour empêcher les réunions des
autres partis ou Nidaa Tounes ? »[9].
Dans ce climat conflictuel menaçant le parti considéré
par beaucoup comme le seul en mesure de disputer à Nahdha son hégémonie,
le tawâfuq est encore apparu comme la garantie nécessaire de
l’opposition.
Réaménager la Légitimité
électorale majoritaire, en vue de combattre l’exclusion.
En effet, les prises de
positions hostiles du gouvernement majoritaire ont permis à Nidaa tounes, non seulement de
clarifier et de préciser sa position à propos de la légitimité, mais encore de
proposer un autre mode de gestion des affaires de l’Etat.
À l'occasion d'entretiens
télévisés et largement diffusés, ou par l'intermédiaire de déclarations ou
d'entretiens avec la presse écrite, le chef emblématique du parti Nidaa tounes et ses collaborateurs ont
expliqué qu'il ne s'agissait nullement de remettre en cause la survie de
l'État, ni de contester la légitimité de l'Assemblée nationale constituante,
mais de réagencer ou plus exactement de réaménager la légitimité électorale pour
reconstruire l'ensemble des institutions sur la légitimité consensuelle. Cela
impliquait évidemment non seulement la participation et la consultation de
l'ensemble des forces d'opposition au processus de prise de décision, mais,
plus concrètement, la recomposition du gouvernement lui-même, monopolisé par la
Troïka. Ce monopole a été considéré comme la source essentielle des échecs
avérés du gouvernement de la Troïka dans la gestion du pays après les élections
du 23 octobre 2011. Dans l'intérêt du pays, il fallait donc revenir à une
politique plus rationnelle, plus participative, et, par conséquent, plus
efficace.
C’est en ce sens que M. Béji Caïd
Essebsi a affirmé en juillet 2012 : « Personnellement, je ne suis pour l’exclusion de
personne, parce que j’estime que le citoyen tunisien —puisque maintenant nous
parlons de citoyenneté n’est-ce pas— a le droit de participer à la vie publique
et politique de son pays. Et lorsque vous enlevez au citoyen ce droit de
participation, c’est comme si vous lui ôtiez sa nationalité. Moi, je dis que ce
n’est pas acceptable que l’on puisse exclure cette catégorie de Tunisiens pour
la fausse raison qu’ils existaient avant l’arrivée des nahdhaouis au pouvoir et
que, pour une raison ou pour une autre, ils ont collaboré avec le régime de Ben
Ali. Il y a deux millions de Tunisiens qui ont collaboré avec l’ancien régime,
mais cela ne fait pas pour autant d’eux de «mauvaises fréquentations»[10].
Conclusion.
Ainsi, il apparaît clairement que le tawâfuq,
à travers ces discussions sur la légitimité, acquiert des proportions
considérables. Il ne s'agit plus en effet d'un simple problème de procédure et
de prise de décision, mais d'un principe essentiel qui se trouve maintenant au
fondement même de la politique. Le tawâfuq est revendiqué comme véritable et
authentique source de la légitimité.
Pour les tenants du tawâfuq, ce dernier
doit empêcher l'excès du pouvoir majoritaire, protéger les droits et les
ambitions de l'opposition, assurer l'équilibre général de la société politique
dans cette période de transition démocratique si difficile.
De nos jours, le tawâfuq apparaît comme
la balance ultime de l’action politique. Il est pouvoir et contre-pouvoir. Pour
le pouvoir, il maintient la cohésion, pour l’opposition, il maintient le
pluralisme et la participation.
[1] Décret-loi n°6 du 18
février 2011, JORT., 2011, n° 13, p.200.
[3] Dans cette Déclaration
BCE appelle : « toutes
les forces politiques et intellectuelles nationales, refusant le recours à la
violence et adhérant au processus réformateur historique dans le pays, à mobiliser
leurs capacités matérielles et morales en vue d’une alternative consolidant
l’équilibre politique et garantissant le transfert pacifique du pouvoir, sans
lequel on ne peut parler de démocratie ». Il ajoute : « Le
recul enregistré dernièrement, notamment à travers les violences menaçant les
fondements mêmes des libertés publiques et individuelles, exige de tous de
retourner aux mécanismes du dialogue national qui, seul, permettra,
d’une manière irréversible, de réussir les missions de la deuxième phase
transitoire dont en premier lieu celle d’offrir à la Tunisie sa Constitution
d’avenir". Isabelle Enault, Le Petit Journal.com,vendredi 27 janvier
2012.
[4] Rafaa Ben Achour,
« Qu'adviendra-t-il de l'ANC, le 22 octobre 2012 ? », La Presse de
Tunisie, mardi 4 septembre 2012, p.9.
[5] Yadh ben Achour, al
Maghreb, 19 juin 2012, p.5.
Slim Laghmani, «
La pérennité de la légalité, exigence de la continuité de l'État », « dawâm
a-Shar’ia matlûb li dhamân istimrâriyyat a-dawlah », a-Tunisia, jeudi 13
septembre 2012, p.12 et 13.
[7] Meriem.KH., « Tunisie :Réponse
de Nida Tounes à Rachid Ghanouchi », Site de « Investir en Tunisie »,
05 octobre 2012.
[8] Voir les recommandations
du 9ème Congrès du parti Nahdha,
Al-Maghreb, mercredi 18 juilllet 2012, p.4.
[9] Meriem.KH., Loc.cit.
[10] Entretien BCE. avec
Hassen Arfaoui, Réalité on line, 26/07/2012.
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