Les
régimes politiques arabes ont longtemps été considérés comme des exemples types
du gouvernement autoritaire sous ses multiples variations (républicaine ou
monarchique, civil ou militaire, sous l´emprise du parti d’Etat unique ou
dominant et de la police politique, tous corrupteurs et corrompus). Quant aux
sociétés arabes, elles sont, dans l'ensemble, considérées comme des communautés
à culture fortement imprégnée de religion et dans lesquelles l'urbanisation a
subi la pression des flux migratoires dus à l'exode rural. Ces flux
migratoires, renversant totalement le rapport démographique entre les villes et
le monde rural, ont fini par faire des
grandes cités des centres de protestations et de contestation politique et
sociale, ainsi que des sources de délinquance, provoquées par le chômage,
l'habitat rudimentaire spontané et anarchique, l'indécente indigence des
services publics de transport, d'entretien des chaussées et des lieux publics
et d'enlèvement des ordures.
Les
premières protestations de masse dans le monde arabe ont commencé en Algérie au
sortir des années 1980. Elles ont débouché sur la « révolte d´Octobre
1988 », dont la répression a fait quelque 500 morts en une semaine. Cette
répression a conduit à un véritable processus de libéralisation politique mené
par le « groupe des réformateurs ». Ce dernier a alors mis en œuvre, en rupture avec les règles du jeu politique
en place depuis la fondation du régime, un projet de réformes politiques
et économiques pionnier dans la région : une Constitution libérale qui
pose les fondements de l´État de droit et du pluralisme ; la suppression
des ministères de l´Information et des Moudjahidines pour signifier la fin de
la censure et de la « légitimité historique » ; l´abrogation des
« fiches bleues », documents des services de renseignement, qui
conditionnent les nominations aux postes de responsabilité ; la
suppression des cours spéciales ; la légalisation du multipartisme et de
la liberté de la presse, etc. Par suite
d’un certains nombre de compromis, des élections municipales libres sont
organisées en juin 1990 et sont remportées par le Front Islamique du Salut.
L´action conjuguée des faucons du régime et des radicaux islamistes, concourt á
la mise en échec du processus de démocratisation algérien qui se termine par le
limogeage du gouvernement réformateur le 4 juin 1991 deux semaines avant les
élections législatives et par le coup d´État du 11 janvier 1992. Un cycle
infernal de violence et de répression s´en suit faisant plus de 100 000 morts
en dix ans. La pacification a eu lieu par la promulgation, le 27 février 2006,
de l’ordonnance no 06-01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la
réconciliation nationale, Mais, en fin
de course, aucun changement radical de régime n'a eu lieu.
Le mot « Révolution » n'a été prononcé pour la
première fois qu’à propos du soulèvement populaire tunisien de décembre 2010 -
janvier 2011. Ici, un véritable changement de régime a eu lieu. L'homme-symbole
de la dictature a disparu de la scène politique, entraînant dans sa chute,
globalement ou partiellement, les mécanismes et les institutions du régime :
parti d’Etat, parlement, Conseil constitutionnel, Conseil économique et social.
L'esprit de la Révolution s'est condensé dans des concepts clés : la liberté,
la dignité, la justice. Le mouvement a alors fait tache d’huile et s'est étendu
à l'Égypte, à la Libye, au Yémen, au Maroc et en Syrie. Presque partout, les
dictateurs et les régimes dynastiques sont tombés, mais, en fin de compte,
pourquoi ? Si nous sommes en droit de poser cette question, nous ne
sommes nullement en droit d'y apporter une réponse certaine. Il serait
arbitraire d'émettre une telle prétention. Ce n'est que dans quelques années,
quelques décades peut-être, que nous connaîtrons le sort des révolutions
arabes.
Les
différents phénomènes révolutionnaires ou insurrectionnels ne peuvent avoir ni les
mêmes explications, ni les mêmes causes, ni les mêmes effets dans les
différents pays arabes. Malgré
l'homogénéité et la ressemblance des situations, les différents Etats arabes
présentent des différences notables d'ordre historique, sociologique, politique
et culturel qui empêchent toute généralisation hâtive. Si le cas marocain démontre
qu’il est une exception et que la royauté reste le plus sûr rempart contre tous
les extrémismes, on peut dire de chaque cas, l’Algérie, la Libye, le Yémen, la
Syrie, qu’il est une exception. La question reste donc de
savoir : une exception par rapport à quoi ? Quelle est la
règle ?
Nous n'en dirons
pas plus sur cette question, parce que les deux suivantes sont les plus
importantes. Il s'agit des problèmes de la justice sociale et de la religion.
La Révolution et la
justice sociale.
Une révolution est une contradiction. En
effet, toute révolution, est animée par deux types de revendications. Le
premier est d'ordre politique et consiste à réclamer une meilleure organisation
des pouvoirs publics en vue de protéger la liberté. De ce point de vue, la
revendication consiste simplement à améliorer les relations entre le citoyen et
le gouvernement, à mettre sur pied un régime fondé sur les libertés
démocratiques, le pluralisme, la liberté de conscience, de pensée et
d'expression, l'État de droit et le respect de la Constitution. Le second est
d'ordre économique et social. Il consiste à réclamer une meilleure justice
sociale, c'est-à-dire à améliorer le sort des classes délaissées et pauvres de
la société, à lutter contre les discriminations sociales, le déséquilibre
régional, l'habitat rudimentaire, le chômage, en particulier celui des jeunes,
l'analphabétisme, la faiblesse ou la détérioration des services collectifs et
des conditions sanitaires. En quoi ces deux revendications sont-elles
contradictoires ?
La revendication politique est
réalisable, sinon dans l'immédiat, du moins sur le court terme. Si un système politique
dictatorial est aboli et qu'il est remplacé par un régime de tolérance et de
liberté, comme, vaille que vaille, en Tunisie, la révolution est accomplie.
Autrement dit, pour les élites, les classes nanties, les intellectuels, qui
n'ont manqué de rien sous la dictature, sauf les libertés démocratiques, la
révolution est achevée dès que la dictature choit et qu’un régime de libertés
démocratiques est instauré. La question sociale « n’intéresse pas »
subjectivement «la femme ou l’homme développé » matériellement et/ou
culturellement. L’homme démocratique,
appelons-le ainsi, vit le problème de la justice sociale, en tant que
citoyen, par esprit de solidarité, pour les autres et non directement pour
lui-même ou sa propre famille. Son problème à lui se résout sur le court terme. Pour lui, lorsque la dictature est terminée, la
Révolution est terminée. Une constitution démocratique, un régime multipartisan
et une presse libre peuvent largement le satisfaire.
Mais nous savons
cependant que la constitution ne peut, par elle-même, constituer une bonne
réponse aux mouvements sociaux. Peut-on
vraiment canaliser les revendications sociales par une réforme
constitutionnelle et des élections législatives ? Une constitution est-elle capable de vendre
du pain à bon marché, de construire des habitations humainement acceptables, de
juguler l’inflation, de relancer les investissements et la croissance
économique, de donner de l’emploi ?
C'est à ce niveau, que nous heurtons à
la deuxième revendication, celle de la justice sociale. Cette question, à la
fois la plus difficile et la plus complexe, ne peut être résolue par des
mesures exclusivement politiques et la grande illusion des militants
révolutionnaires qui défendent, sans doute de bonne foi, la justice sociale immédiate,
est de croire qu'ils peuvent la réaliser par de telles mesures à caractère
volontariste.
Il s'ensuit que l'un des aspects les
plus importants de la révolution, la justice sociale, est voué fatalement à
l'échec, quel que soit le gouvernement au pouvoir, après la révolution.
Autrement dit, la révolution, sous l'aspect de la justice sociale, porte en
elle-même son propre échec et le « peuple des justes » ne peut connaître
un autre sort que celui de la désillusion. Ce peuple, au moment du
déclenchement de la révolution, a cru,
par l'effet de l'illusion utopique, mais également par l'effet de la démagogie
dirigeante, à la réalisation de cet objectif fondamental de la révolution. Pensons
aux promesses faites par les partis, notamment la Nahdha et ses 365 mesures
pratiques, avant et au cours de la campagne électorale.
Se heurtant, fatalement, et par
nécessité historique, à l'échec de cette revendication, le peuple, dans sa
majorité, accuse alors ses dirigeants de l'avoir trompé et s'engage dans un
processus incontrôlable de protestation. Et c'est ainsi que le désenchantement
entraîne la société tout entière dans une contestation politique permanente qui,
au lieu d'aider à la réalisation de l'objectif fondamental de justice sociale promis
par la révolution, ne fait, au contraire, qu'aggraver la crise financière,
sociale et économique et rendre encore plus lointain la réalisation de cet
objectif fondamental de la révolution. Nous entrons alors dans un cycle de
perpétuel ajournement. Les révolutionnaires qui parlent au nom du « peuple des
justes » se transforment alors en démagogues, le gouvernement, en légitime
quête de tranquillité et d'ordre, se trouve au contraire totalement déstabilisé
par le flux incessant de la protestation sociale et le souci principal de tous
se concentre sur cette gestion impossible de la contradiction fondamentale de
toute révolution. L’échec patent
de l’ANC et de la Troïka en est un signe, la démission du gouvernement jebali,
le point d’orgue.
Le mot de la
fin, c'est que la gestion quasiment impossible de cette contradiction peut
entraîner l'ensemble de la société dans l'anarchie et le chaos, et à partir de
là dans le despotisme, la terreur, la prise du pouvoir par l'armée où le
retournement du peuple contre les institutions qu'il a lui-même élues, comme
l'Assemblée nationale constituante en Tunisie.
La Révolution et la religion.
Ce difficile rapport entre la révolution et la justice
n'épuise malheureusement pas, dans le climat spécifiquement islamique des pays
arabes, la liste des contradictions. Une autre contradiction majeure provient
des rapports entre la révolution et la religion.
Un grand intellectuel iranien, Daryush Shayegan s'est
déjà attaqué à ce problème dans: « Qu'est-ce qu'une révolution religieuse ? ».
La question est la suivante : quel est, dans le monde moderne caractérisé par
la mondialisation et une universalité minimum des valeurs et des normes, le
sens d'une révolution qui débouche sur l'instauration d'un régime théocratique
ou même d'une religion d'État, avec un parti religieux au pouvoir?
Dans l’histoire pré-moderne, une religion constitue au
moment de son éclosion une libération, voire une révolution. Mais en est-il
ainsi dans le monde actuel ?
La réponse, c'est qu'il s'agit d'un non-sens, d'une
contradiction voire même d'une aberration. Si comme l'affirme Hannah Arendt : « La
sécularisation - la séparation du religieux d'avec le politique et l’essor d'un
domaine séculier possédant une dignité qui lui est propre - constituent
certainement un facteur crucial du phénomène révolutionnaire», alors une
révolution religieuse est une contradiction. C'est cette contradiction qui
anime fondamentalement la vie politique tunisienne, après les élections du 23
octobre 2011.
Cette
contradiction se manifeste à travers les deux moments de la Révolution
elle-même et des élections. Le moment de la Révolution à été un moment
démocratique, pluraliste, civil, pour ne pas employer le mot « laïc ».
Autrement dit, les revendications fondamentales de la Révolution, inauguré par
un suicide, ont été des revendications
purement temporelles, sans aucune référence à des slogans religieux. L'analyse
de la réalité s'impose : il existe une béance entre le peuple de la révolution
et le peuple des élections. Que des politiciens formés et éduqués dans le
cercle étroit et indigent de la culture exclusivement religieuse, prennent en
charge la Révolution, parlent en son nom, la revendiquent comme étant la leur,
voici, au grand jour, la manifestation historique d'une contradiction
fondamentale au sein de la société elle-même.
Une démocratie religieuse est en effet un non-sens.
C'est pour cette raison que les partis politiques de l'opposition, ainsi que la
société civile majoritaire en Tunisie défendent pied à pied les libertés
démocratiques contre les tentatives nombreuses d'instauration d'un État
religieux.
Ces tentatives ont heureusement avorté, ce qui montre
que le peuple de la révolution n'est pas aussi minoritaire qu'on pourrait le
croire.
Il en est ainsi de la demande de Sadok Chourou, ancien président du parti Nahdha qui a revendiqué que la Constitution
contienne un article indiquant que la Sharia sera la source essentielle de la
législation et qui par la suite a rappelé aux « coupeurs de
route » protestataires qu’ils étaient justiciables du verset 33 de la
sourate de « La Table » qui prévoit des peines de mort, de
crucifixion ou d’amputation. La grande manifestation du 20 mars 2012 a mis fin à ces tentatives de
théocratisation de l’Etat. Il en est également ainsi de la
« complémentarité » homme–femmes, introduite dans le premier
avant-projet de Constitution, puis retiré du second. Dans le même sillage,
citons la criminalisation de l’atteinte au sacré consacré dans le premier
avant-projet de constitution, puis également retiré. Mais les menaces sont
toujours présentes, comme, dans le 2ème avant-projet de
Constitution, le refus de protéger expressément la liberté de conscience et la
consécration du système de la religion d’Etat dans l’article 148.
C'est
précisément à partir de cette observation capitale que nous pouvons affirmer
que cette contradiction masque en réalité un avènement, celui de la
sécularisation. L'immense débat constitutionnel qui anime la vie intellectuelle
et politique aujourd'hui dans l'ensemble du monde arabe, mais d'une manière
particulière en Tunisie, constitue une preuve que la prise du pouvoir par les
islamistes est en train, paradoxalement, de faciliter la sécularisation de la
vie politique. Les débats qui n'avaient jamais pu voir le jour sous la
dictature investissent aujourd'hui, d'une manière franche et déclarée, le
domaine public : le caractère civil de l'État, face aux tentations
théocratiques, la liberté de conscience, face au crime d'apostasie et à
l'atteinte au sacré, l'égalité homme femme, face a la complémentarité, la
religion d'État, face a la religion sociale, constituent l'ossature d'une
polémique révélatrice de l'émergence d'une culture politique laïque, à partir
de la société elle-même et non, comme du temps du bourguibisme à partir d'une
volonté unilatérale et coercitive de l'État. Dans la citation précitée, Hanna
Arendt ajoute : « À dire vrai, il se peut même, en fin de compte, que ce que
nous appelons révolution soit précisément cette phase de transition qui aboutit
à la naissance d'un nouveau domaine séculier ». C'est la situation que vit
aujourd'hui la Tunisie. Il est très important de noter que c’est par
l’intermédiaire d’un débat sur la Constitution et le droit positif que la religion
peut s’exprimer. Elle n’est plus, à elle seule, l’oracle infaillible. La
Tunisie de la Révolution a, en définitive, gagné sur deux fronts :le
système démocratique et l’émergence, grâce à ce système démocratique, de la
sécularisation.
Le printemps arabe restera un printemps, tant
que les forces démocratiques réussiront à contenir les assauts de la théocratie
gouvernante et que les responsables politiques arriveront à expliquer au peuple
que la justice dépend de la prospérité et que la prospérité est une affaire de
finances, d'investissement, d'industrie, de technologie, d'infrastructures qui
nécessitent ordre, patience et liberté.
Cher Monsieur,
RépondreSupprimerpermettez moi de vous remercier pour ce plaisir que vous nous procurez à travers votre pertinente analyse de la situation tunisienne.
vous évoquez, à juste titre, A. Arendt et la problématique du processus de sécularisation de la société qui est expliqué comme un phénomène inhérent à toute révolution, en tant que phase transitoire, une étape dans la construction ou la reconstruction post-révolutionnaire.
vous écrivez :"le caractère civil de l'État, face aux tentations théocratiques, la liberté de conscience, face au crime d'apostasie et à l'atteinte au sacré, l'égalité homme femme, face a la complémentarité, la religion d'État, face a la religion sociale, constituent l'ossature d'une polémique révélatrice de l'émergence d'une culture politique laïque, à partir de la société elle-même et non, comme du temps du bourguibisme à partir d'une volonté unilatérale et coercitive de l'État"
j'ai deux question à vous poser, si vous le permettez, cher monsieur,
Ne pensez-vous pas que l'émergence d'un "esprit laïc" en Tunisie est fondamentalement le résultat de cette coercition ?
Comment expliquez-vous la situation actuelle de la Turquie qui vit aujourd'hui une "réislamisation" de la société depuis l'arrivée au pouvoir du parti islamiste AKP, malgré l'enracinement et l'attachement de la Turquie au principe de Laïcité qui a été, vous le savez, imposée d'une manière encore plus radicale et plus violente qu'en Tunisie?
Je vous remercie par avance
Très cordialement
Samir Chairat
merci de votre commentaire. Comme je l'explique à la fin de l'article, la prise du pouvoir par les "islamistes" génère, paradoxalement, une sécularisation de la société.
SupprimerLa "réislamisation" de la Turquie est toute relative.La Turquie, malgré l'AKP et les "autres", reste une société laïque.
Merci à vous monsieur Ben Achour. Il y a peut-être lieu d'ajouter, qu'à contrario, écarter par la violence, l'accès pacifique au pouvoir des islamistes, a pour conséquence une autre violence, incalculable. Le régime tunisien ne tire pas sur ses citoyens, ce qu'ont fait les chefs militaires en Algérie. Des dizaines d'Algériens en ont fait les frais, vous l'avez dit. Oui la sécularisation peut advenir par le biais de la prise du pouvoir par les islamistes. Un pouvoir partagé en Tunisie (comme il a failli l'être en Algérie aussi), peut être l'antichambre à une sécularisation assumée par tous y compris par les islamistes. Nous pouvons par ailleurs, constater que le discours politique des islamistes, a globalement évolué depuis une quinzaine d'années. Ahmed Hanifi.
SupprimerC'est bien optimiste et bien étayé comme article. J'ai adoré. J'écris sur nawaat.org et je me pose la question à chaque fois, au-delà de ces débats "islamistes vs laïcs" : comment peut-on instaurer des mécanismes efficaces pour fonder, à long terme, un Etat de droit ? Et, à court terme, comment faire pour éradiquer la corruption sachant que nous avons, depuis peu, un pôle judiciaire dont les juges ont été nommés par Bhiri dans l'opacité la plus totale + nous n'avons tjs pas l'instance provisoire de l'ordre judiciaire.
RépondreSupprimerÉradiquer l'ignorance + la pauvreté et l'injustice nous permettra certainement d'avoir un système plus sain, et une société plus équilibrée.
Réfléchir sur les priorités et les stratégies pour aboutir à un résultat positif > sur le plan économique, justice sociale, éducation, santé ... est un casse-tête mais c'est vraiment un plaisir d'y contribuer.
La justice sociale doit se réaliser par une politique fiscale juste et compensatoire. Nous avons actuellement un système fiscal injuste qui écrase les salariés et les consommateurs. Il faut taxer les grandes fortunes et imposer un impôt conséquent sur les revenus de plus de 50000 dinars.
SupprimerJe partage le point de vue du commentaire suivant. Il complète mon analyse.
Que veut dire justice sociale ? Ce n’est pas cette question que je vais répondre et ce n’est pas à cette question que vous avez répondu, il me semble.
RépondreSupprimerIl est vrai que les revendications en matière de libertés individuelles émanent de la frange la plus nantie matériellement de la société (le haut de la classe moyenne) qui réside dans les grands centres urbains. Avec la migration, cette frange est en réalité une mixité de toute la Tunisie. Même si on met en place des institutions démocratiques, celles-ci ne sont seront pas viables dans le moyen et long terme tant qu’on n’élargit pas l’ensemble des opportunités à tous les tunisiens.
Je vous donne ici ma lecture des faits. Jusqu'à la fin des années 80, la Tunisie continuait à produire tant bien que mal à travers son système éducatif une élite compétente dans tous les domaines. L’accès à l’université était basé sur la compétence indépendamment du statut social et de l’origine. Toutefois cette même élite, une fois arrivée au ‘pouvoir’ a voulu ‘verrouiller’ le système pour faire profiter sa progéniture. Tout le monde pouvait arriver à l’université et avoir un diplôme, mais ne pouvait obtenir un travail que celui qui avait un piston. Et qui avait un piston ? Seulement cette élite qui a bousillé le système. On était désormais en présence d’un cercle vicieux plutôt que d’un cercle vertueux. Il n’y avait plus un système éducatif qui élargissait les opportunités des chances à tous les tunisiens.
Cette même élite avait aussi le pouvoir économique et a érigé toutes sortes de barrières à l’entrée, avec la corruption que ça implique. Elle pouvait se permettre, car elle était protégée de la concurrence étrangère. Mais ce système n’était plus viable et il s’est effondré avec la fuite de Ben Ali.
L’ancien système éducatif avait ses limites bien-sûr, puisqu’on n’accordait de l’importance qu’à l’enseignement universitaire et on a délaissé les formations professionnelles.
Le trio marché du travail, système éducatif et système productif est la clé pour assurer la justice sociale. Les intervenants dans ces trois sphères doivent s’asseoir autour d’une table pour discuter d’un projet pour le pays. L’état jouera le rôle de catalyseur. Il ne s’agit pas de solidarité, mais de virtuosité. Mettre en place le système d’incitations pour utiliser de façon la plus efficace les ressources disponibles. Car il n’est de richesse que d’Hommes.
Je partage votre point de vue . Il faut l'étayer..
SupprimerBonjour Monsieur Ben Achour. J'ai lu avec un fort intérêt votre publication, partagée par une amie sur facebook, publication qui m'a appelée à des remarques et commentaires, que je me permets avec votre aimable permission.
RépondreSupprimerVous commencez par dire, dans votre article, que : "Les premières protestations de masse dans le monde arabe ont commencé en Algérie au sortir des années 1980"... Phrase qui m'a été totalement incompréhensible, car ramenant la féroce répression du peuple et de l'UGTT, en janvier 1978, ainsi que les "émeutes du pain" qui ont conduit à cette terrible journée du 3 janvier 1984, à de simples péripéties !.. alors que ces révoltes populaires avaient fait l'objet d'une forte répression par la dictature bourguibiste, et vu un cortège funèbre de centaines de Martyr(e)s...
mais ce n'était pas des Révolutions!!
SupprimerVous dites ensuite, parlant des mouvements populaires, la chose suivante : "Si le cas marocain démontre qu’il est une exception et que la royauté reste le plus sûr rempart contre tous les .... extrémismes, on peut dire de chaque cas, l’Algérie, la Libye, le Yémen, la Syrie, qu’il est une exception"... Ainsi, monsieur, vous appréhendez, par vos mots, les soulèvements populaires qui ont donné les révolutions dans ces pays, et chez nous, comme des "extrémismes" !! J'ose espérer que ceci ne reflète pas le fond de votre pensée.
RépondreSupprimerchaque pays est en effet une exception. Cela veut dire que chaque pays a ses spécificités et ne peut faire l'objet des mêmes critères d'analyse.
SupprimerJ'ai relevé ensuite ce passage : "Autrement dit, pour les élites, les classes nanties, les intellectuels, qui ...""n'ont manqué de rien sous la dictature"" !!, sauf les libertés démocratiques...." ... Vous semblez d'abord compter au rang des "élites" et des "classes nanties" , la classe des "intellectuels", sans point sembler vous douter que les "intellectuels" étaient en situation sociale fort délicate, sous la dictature de zaba, un argument étayant mes dires étant cette fuite des cerveaux chez nous et cette émigration massive qui a vidé notre université de ses forces vives... A moins que vous ne parliez des "intellectuels de la cour" ! Et je me permets une question : Qu'est la Dignité humaine d'un(e) Citoyen(ne), s'il-elle ne jouit pas des "libertés démocratiques", sinon "rien" !?
RépondreSupprimerEnsuite, ce passage m'a fortement interpellé : "Mais nous savons cependant que la constitution ne peut, par elle-même, constituer une bonne réponse aux mouvements sociaux. Peut-on vraiment canaliser les revendications sociales par une réforme constitutionnelle et des élections législatives ? Une constitution est-elle capable de vendre du pain à bon marché, de construire des habitations humainement acceptables, de juguler l’inflation, de relancer les investissements et la croissance économique, de donner de l’emploi ?"... Ce passage m'a fortement étonné de vous, car un peu trop "pédagogique" et "populaire" !! En effet, je pense que personne, parmi les Citoyen(ne)s éclairé(e)s n'attend de la constitution cette énumération des attentes populaires ; mais l'appréhende comme un levier de développement humain, qui consacrerait la dignité et l'égalité pour tous, qui impulserait ce fort sentiment d'appartenance à une Tunisie révolutionnaire et démocratique, qui donnera inéluctablement ce développement économique et humain à notre pays, fort de son peuple jeune, éduqué et travailleur, dès le moment que la justice sociale sera instaurée dans notre pays.
RépondreSupprimerJe lis ensuite ces mots : "Le mot de la fin, c'est que la gestion quasiment impossible de cette contradiction peut entraîner l'ensemble de la société dans l'anarchie et le chaos, et à partir de là dans le despotisme, la terreur, la prise du pouvoir par l'armée où le retournement du peuple contre les institutions qu'il a lui-même élues, comme l'Assemblée nationale constituante en Tunisie."... Ces mots : " la prise du pouvoir par l'armée " m'ont rappelé votre voeu pieu à l'approche du 23 octobre dernier, où vous sembliez mettre en cause la légitimité de l'ANC après cette date, et appelait l'armée à "assumer ses responsabilités", mépris de la volonté populaire sur lequel je ne ferais absolument aucun commentaire !
RépondreSupprimerJe finirais mon (long !) commentaire par cette remarque quant à ce passage : "Que des politiciens formés et éduqués dans le cercle étroit et indigent de la culture exclusivement religieuse, prennent en charge la Révolution, parlent en son nom, la revendiquent comme étant la leur, voici, au grand jour, la manifestation historique d'une contradiction fondamentale au sein de la société elle-même. "...
RépondreSupprimerOù je vois, dans ces mots, une condescendance assez marquée à l'encontre de cette "culture exclusivement religieuse", où vous voyez dans ce phénomène une "contradiction fondamentale au sein de la société elle-même" ; et où je ne vois de "contradiction" que, éventuellement, dans votre vision de notre société, vision peut-être erronée ; car il semble que cette frange de la société, celle des électeur(e)s de Ennahdha, qui est révolutionnaire à n'en point douter, frange dont je ne suis pas mais que j'accepte, a donné la légitimité et la forte majorité nécessaires à ce parti "islamiste" de parler au nom de notre révolution.
où je lis, in fine, cette non-acceptation de l'autre, dans ce passage encore : "Une démocratie religieuse est en effet un non-sens. C'est pour cette raison que les partis politiques de l'opposition, ainsi que la société civile majoritaire en Tunisie défendent pied à pied les libertés démocratiques contre les tentatives nombreuses d'instauration d'un État religieux. "... passage qui souffle au lecteur que " les libertés démocratiques" sont menacées par l'ANC, où Ennahdha est majoritaire et que " que la société civile" serait "majoritaire en Tunisie" !! Passage qui rappelle ces thèses qui dénient la représentation démocratique, arguant de cet éparpillement des voix dites démocratiques, qui aurait donné cette ANC à forte dominance d'Ennahdha. Il reste vrai que des menaces réelles sur les libertés démocratiques pèsent sur le pays, menaces qui émanent de cette frange extrémiste d'Ennahdha, représentée par Monsieur Sadok Chourou, cité par vous. Il reste aussi que cette frange est minoritaire dans son parti qui est, je pense, un vrai spectre, et qui est d'un fonctionnement indéniablement démocratique... Sans parler de cette approche "clichéique", à l'instar de la remarque concernant la "« complémentarité » homme–femmes" alors qu'il me semble que la "complémentarité" n'a été évoquée dans le projet de constitution que dans les rôles, dans la famille, de l'homme et de la femme !... Passage fort heureusement retiré car ne signifiant pas grand chose !
Quant à la fin de votre brillante contribution, je partage tout à fait votre avis qui dit que "Le printemps arabe restera un printemps" ; sans toutefois avoir cette paranoïa de la "théocratie", et partage tout à fait cette forte espérance en cette "prospérité" désirée, qui est une "affaire" de Dignité, de Liberté, de Citoyenneté, d'Egalité, de Science, de Culture, de Justice et de Fraternité ; mots d'ordre sociaux qui auront inéluctablement pour corollaires "finances", "investissement", "industrie", "technologie"...
qu'auriez-vous dit si les islamistes avaient réussi à faire passer leurs projets? Seraient-ils restés des "révolutionnaires"?
SupprimerAh ces pique-assiette, ces chenapans, ces pubertaires de la pensée, ces anesthésiés du cerveau penseur et névrosés sur le champ de bataille qu'est le corps de la femme, plutôt que dans celui de l'envol de l'esprit vers la citoyenneté et la liberté. Ces combattants de la 25 heure débarqués sur Maydène Ettahrir ou la Casbah,feignant de "révolotionner" le système, tout en le gardant à la sauce bondieusarde, en s'appropriant le "corps social" de la Police (véritable colonne vertébrale du système répressif de Ben Ali) pour instaurer leur vomitive Chariaa...Mais l'élite tunisienne, le désenchantement de la société civile qui a vite compris que la sorcellerie islamiste est une ineptie monstrueuse dans le tourbillon économique de la mondialisation, viendront à bout de ces charlatans.
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